La loi sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act/IRA) – nouveau programme de relance économique et environnementale aux Etats-Unis – est un mauvais texte de loi, et pas seulement parce qu’il augmente les subventions à l’industrie manufacturière américaine.
Les démocrates américains l’ont utilisé pour offrir leur antidote aux problèmes de pouvoir d’achat et de défis en matière d’écologie : subventions et taxes.
Cela comprend par exemple un abattement fiscal de 30% sur les rénovations domiciliaires et les batteries solaires, un crédit d’impôt de 7 500 $ (7 000 €) pour l’achat d’une nouvelle voiture électrique et une augmentation des taxes sur les producteurs de pétrole, coûts inévitablement répercutés sur les consommateurs.
En parallèle, des procureurs généraux d’Etats démocrates engagent des poursuites contre des entreprises pétrolières et gazières pour leur rôle « trompeur » dans le changement climatique, en utilisant des bases juridiques douteuses pour tenter d’obtenir des règlements importants. Dès le premier jour de son mandat, le président Joe Biden avait mis fin au projet d’oléoduc Keystone XL, d’une valeur de plusieurs milliards de dollars, qui aurait permis de transporter plus de pétrole canadien et américain jusqu’au Texas pour l’exporter. En gros, les Etats-Unis s’européanisent en matière de politique environnementale.
Comment réagit l’Europe ?
Ironiquement, l’Europe n’apprécie pas que les Etats-Unis jouent ce même jeu. Les subventions de Biden faussent, selon eux, la balance commerciale entre l’Europe et les Etats-Unis, en faveur par exemple de l’industrie automobile américaine. Dans un précédent article pour La Chronique Agora, j’avais déjà abordé le fait que le protectionnisme n’aidera pas les producteurs nationaux en Europe.
Les gouvernements de l’UE s’insurgent contre l’IRA depuis des mois, et en font un sujet de discussion lors de chaque réunion bilatérale avec Biden, tout en débattant de la manière de répondre à sa guerre des subventions sur un pied d’égalité. La réalité est que, même si l’Europe voulait se mesurer aux Américains, elle ne le pourrait probablement pas.
Le ministre allemand des Finances, Christian Lindner, a heureusement redécouvert sa discipline budgétaire de faucon. Il a indiqué aux autres pays européens qu’il rejetterait toute nouvelle obligation de dette commune émise envers Bruxelles. Selon le ministère dirigé par M. Lindner, l’émission de dette dans ce contexte entraînerait une perte de confiance sur les marchés financiers internationaux et contrecarrerait le resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne, qui vise à maîtriser l’inflation.
Il a également fait valoir qu’il n’y avait aucun besoin budgétaire pour une dette commune. « Seule une fraction des fonds mis à disposition par ‘Next Generation EU’ a été utilisée », a rappelé le ministère. Le chancelier allemand Olaf Scholz a clairement indiqué qu’il pensait qu’il restait encore beaucoup d’argent européen inexploité – plus de 200 Mds€ – provenant du fonds de relance post-pandémie de l’UE, qui devrait être utilisé avant toute discussion sur un nouveau financement.
Qui veut des financements ?
Que propose donc la Commission européenne ? En l’absence de la possibilité de créer de nouveaux titres de créance, elle remanie les fonds existants. La Commission se tourne vers les fonds non dépensés de son plan de relance de 800 Mds€ et souhaite des allégements fiscaux pour les entreprises vertes dans le cadre de son fonds pour les énergies alternatives REPowerEU, qui a reconditionné 220 Mds€ de prêts non utilisés avec un complément de 20 Mds€ de nouvelles subventions. Une autre option est le cadre d’investissement privé de l’Union européenne, InvestEU.
La possibilité d’un remaniement des fonds vient du fait qu’au début de l’année dernière, la réponse européenne à la pénurie de semi-conducteurs – connue sous le nom de « Chips Act » – a échoué. Les 43 Mds€ de l’UE pour le plan ont été dépassés par les 52 Mds$ des États-Unis pour leur propre loi « CHIPS and Science Act », tandis qu’une grande partie du paquet de l’UE provenait d’investissements nationaux et privés. La contribution de l’UE, qui s’élève à 3,3 Mds€, s’est attirée des critiques pour avoir été réaffectée à des programmes existants.
Une déclaration commune du Danemark, de la Finlande, de l’Irlande, des Pays-Bas, de la Pologne et de la Suède a été fournie à la presse :
« Les aides d’Etat à la production de masse et aux activités commerciales peuvent avoir des effets négatifs importants, notamment la fragmentation du marché intérieur, la course aux subventions et l’affaiblissement du développement régional. Ces effets négatifs peuvent être plus importants que les effets positifs. »
Les pays continuent en demandant instamment :
« Nous, les États membres cosignataires, invitons la Commission à faire preuve d’une grande prudence. Les modifications fondamentales des règles de l’UE en matière d’aides d’Etat ne doivent pas être effectuées du jour au lendemain dans le contexte d’un cadre de crise temporaire non prévu à cet effet. »
L’Europe se prépare à accorder des subventions sans précédent à l’industrie, mais, heureusement, certains s’y opposent. Si l’Europe peut penser qu’elle doit s’aligner sur la tendance protectionniste des Etats-Unis en soutenant injustement ses fabricants nationaux, ce n’est pas, en réalité, l’essence même du fonctionnement du commerce. L’Europe doit ouvrir ses marchés de manière unilatérale pour bénéficier pleinement des avantages de l’ouverture commerciale.
L’ouverture unilatérale des échanges est simple à mettre en œuvre par rapport aux années ou décennies de négociations pour encrer un accord de libre-échange. Droits de douane, quotas ou subventions néfastes. Il n’a pas besoin d’attendre que ses homologues étrangers abandonnent leurs barrières commerciales. Les négociateurs commerciaux européens reculent à l’idée d’une libéralisation unilatérale des échanges, car de quel levier disposent-ils si le continent faisait cela ?
Mais il suffit de demander à la Nouvelle-Zélande ou à Singapour, qui ont tous deux opté pour une ouverture commerciale unilatérale. Ces deux pays ont également conclu davantage d’accords commerciaux que l’Europe et bénéficient d’un meilleur accès au marché mondial pour leurs exportations et leurs importations.
Le libre-échange est plus menacé qu’il ne l’a été au cours des années précédentes. Ses défenseurs devraient être plus actifs que jamais.
Rédigé par Bill Wirtz
La Chronique Agora