Les Conversations

Les Conversations de Paul-Marie Coûteaux n°56 avec Emmanuel Goût : Paris-Rome-Moscou, un axe orthodoxe et latin

Publiée le 05/01/2025

Il porte une veste marron sur un fond marron, je porte une veste verte sur un fond vert, nos places autour de la table furent mal choisies, mais notre rencontre fut idéale - moins que jamais une interview, plus que jamais une conversation. Emmanuel Goût est né dans le Nord, a enchainé les petits boulots, il fut aide-soignant, chauffeur, facteur, puis s’est découvert un cœur aventureux qui le mena en Italie, dans les filatures du Nord, puis dans le bureau de Berlusconi, qui l’envoie dans les pays de l’Est pour y développer l’audiovisuel privé, et le voilà s’installant à Moscou à la fin de l’ère Eltsine, au début de la reprise en mains par Poutine, deux géants dont il nous parle comme personne. Mais l’intrépide Français retourne en Italie pour diriger les studios Cinecittà, repart en Russie, Eldorado si propice aux entreprises, revient à Rome remplir une mission pour le compte du Vatican, se présente aux élections dans un village des Sabines, et passe de temps en temps me conter ses aventures, impossibles à retracer en quelques lignes. Leçon magistrale pour tout jeune français qui ose se prendre en mains et découvrir ce que l’on peut faire d’une vie avec un peu de courage, de liberté, de curiosité et de cœur. Leçon géopolitique aussi : que de connivences se découvrent, pour qui sait tourner le dos au matérialisme anglo-saxon qui engloutit l’Occident, entre le monde latin et le monde orthodoxe - les "deux poumons de l’Europe", disait Jean-Paul II. N’y a -t-il pas là une autre solidarité à défricher, fondée sur une conception non matérialiste de la vie, discrètement fervente, un autre espace ouvert aux Français du XXIème siècle ? Découvrons ensemble la vie exemplaire d’Emmanuel Goût !

Les Conversations de Paul-Marie Coûteaux n°72 - Hugues Reiner : La musique française a-t-elle disparu ? (2ème partie)

Publiée le 30/11/2025

Suite de notre conversation pleine d’imprévus avec le chef d’orchestre et compositeur Hugues Reiner. Sa personnalité volcanique et sa vitalité hors pair en ont séduit beaucoup, mais il leur reste à découvrir la suite de son parcours, toujours plus inattendu, jusqu’au grand concert qu’il organise le 11 décembre 2025 en l’église Saint Sulpice de Paris (20h45). Au programme, sa "Cantate Charles de Gaulle" puis ce Requiem de Mozart qui reste son monument de prédilection. Venez nombreux !

Mais à travers cette conversation se pose une grave question qui concerne tous les Français. Car, si tout peuple est formé par la conscience de ses intérêts propres, de son histoire, de sa langue, il l’est aussi, bien qu’on y songe trop peu, par sa musique. Langue, images et sons forment son imaginaire et, en retour, peuvent aussi bien le déformer quand images et sons lui sont imposés par d’autres. Nous l’éprouvons à longueur de journée en subissant d’affreuses "musake", comme dit Renaud Camus, dont les ascenseurs, les bars, restaurants, supermarchés, radios et télévisions s’acharnent à nous mettre la bouillie au fond des oreilles, c’est-à-dire de nos cerveaux - parfois concurrencées par les danseries maghrébines que des provocateurs font hurler à dessein. La guerre culturelle se fait, autant que par l’image, par la musique…

Et si les Français redécouvraient la musique française, sa tradition lointaine, sa richesse contemporaine, son immense portée spirituelle et intellectuelle ? Ceux qui ont fait la chrétienté ont su l’immense résonance dans les esprits et les cœurs du chant dit "grégorien", comme l’ont su aussi nos rois musiciens, Louis XIII et son fils Louis XIV dont on a pu dire que le long règne fut une "dictature de Lully". Nos Républiques le surent aussi : la première pourchassa la fois la musique de cour et la musique sacrée, tandis que, dès ses débuts, la IIIème République encouragea la "musique française", extraordinaire foisonnement musical dont Fauré, Ravel et Debussy ne furent que de beaux exemples parmi tant d‘autres, tout cela pour faire pièce à l’omniprésence de la musique allemande qui, après Sedan, sonna aux oreilles françaises comme une provocation. Plus tard, Malraux conçut une véritable "politique de la musique", qu’il confia à l’immense Marcel Landosky, puis Pompidou favorisa de mille façons Pierre Boulez, avant que Jack Lang n'invente la "fête de la musique" pour que toute musique dite classique fut une fois pour toute recouverte par le brouhaha des supposées "musiques du monde".  Et maintenant où en sont les Français avec leur musique ?